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action or later. Please see Debugging in WordPress for more information. (This message was added in version 6.7.0.) in /home/ultro/picture/wp-includes/functions.php on line 6114Engagement environnemental et social
Article publié le 15 janvier 2023
Le titre et la photo de l’article vous étonnent ? C’est normal. Difficile à première vue de faire le lien entre un t-shirt et une éolienne produisant de l’électricité.
Pourtant l’électricité (sa production, son usage) est un sujet majeur, que ce soit pour Picture, pour l’industrie textile, et pour le monde entier dans la lutte contre le changement climatique.
1. La production d’électricité (via les centrales à charbon, gaz et pétrole) est une des toutes premières causes d’émissions de gaz à effet de serre (GES, dont le CO2) dans le monde.
Le charbon, gaz et pétrole représentent environ 65% de l’électricité produite dans le monde.
2. Les alternatives bas-carbone sont celles qui ne rejettent que très peu de CO2 (analyse en cycle de vie) : nucléaire, hydro-électricité, éolien, solaire, biomasse, géothermie, etc. L’ ensemble de ces alternatives représente environ 35% de l’électricité produite dans le monde.
3. L’électricité est partout autour de nous et dans nos sociétés. Tout ce qui nous entoure a été fabriqué de près ou de loin avec des machines qui ont besoin d’électricité pour fonctionner. Nos appareils électroniques, après avoir été fabriqués par des machines, ont encore besoin d’électricité pour fonctionner.
Bien évidemment, l’electricité est produite parce qu’ il y a une demande, un modèle économique très gourmand en energie. Dans cet article nous essayerons de toujours lier les questions de transition énergetique à l’impératif de sobriété. Comme le dit très bien l’anthropologue économique Jason Hickel dans cet article, « Consommer moins d’energie rend la décarbonation plus facile » (traduit de l’anglais).
Voilà pour l’introduction.
C’est assez simple : sans électricité, le t-shirt ne pourrait pas être industrialisé. Gourmandes en électricité, les machines (filature, tissage, teinture, etc.) sont omniprésentes dans la fabrication des vêtements.
Autrement dit, bien que votre matière soit potentiellement “responsable” à la base de votre chaine d’approvisionnement (à l’état de fibre pour du coton biologique ou de granulé pour du polyester recyclé par exemple), la route est encore longue et énergivore pour aboutir à un produit fini portable.
Bien sûr, des femmes et des hommes sont toujours derrière les processus. Il y a indéniablement du savoir-faire. Nos ancêtres n’ont d’ailleurs pas attendu l’invention de l’électricité pour se vêtir ! Historiquement, l’artisanat a toujours permis de fabriquer des vêtements.
Puis la révolution industrielle (à partir de 1850) est passée par là. L’invention de l’électricité et l’exploitation massive des énergies fossiles (pétrole, charbon, gaz) ont, entre autres, façonné le monde que l’on connaît aujourd’hui. Le textile (comme tous les autres secteurs d’activité) s’est alors largement industrialisé et la course au “toujours plus” a gentillement commencé, avant de vraiment s’intensifier à partir des années 1990.
Avec la suite de cet article, vous risquez de lire des choses que les marques n’ont pas l’habitude d’évoquer. Mais bon, il faut bien avancer, se remettre en question et s’améliorer !
Et puis surtout, ça ne concerne pas que Picture. Les questions sont larges: quel modèle de société voulons nous ? Quelle est la place du secteur textile dans la transition écologique ? Quel est le rôle des entreprises ? Quelles sont les actions clés pour lutter contre le changement climatique et enrayer l’effondrement de la biodiversité ?
Premièrement, pour ne pas rajouter de la longueur à un article déjà très long, nous avons décidé de recentrer les impacts du textile autour du sujet climatique. Cela est réducteur, d’autres limites planétaires sont aussi largement concernées, mais nous assumons ce recentrage pour cet article.
Selon l’étude The Environmental Impact of the Global Apparel and Footwear Industries publiée par le cabinet Quantis en 2018, l’impact carbone moyen d’un produit textile dans le monde se répartit ainsi :
83% de l’impact carbone d’un produit textile se situe donc, en moyenne, au niveau des étapes de : filature, tricotage/tissage, teinture, traitements spéciaux et assemblage. Autrement dit: la fabrication des vêtements.
Ces chiffres sont des moyennes valables pour les matières conventionnelles suivantes :
Note : pour le transport, il s’agit de l’acheminement des produits finis depuis les usines d’assemblage vers les magasins. L’étude a repris les chiffres d’un autre rapport (The Environmental Potential of Textile, 2014) estimant que 8% du transport textile mondial était réalisé en avion, et 92% par voies routières/maritimes. L’étude précise que l’impact du transport serait bien plus gros si les marques faisaient plus de transport en avion. Continuons à ne pas en faire alors !
Pour être complet, il faudrait aussi rajouter les émissions liées à l’usage des produits (lavage, repassage, etc) et liées à la fin de vie (recyclage, incinération, etc.), mais cela ne changerait pas les ordres de grandeurs.
La principale cause, commune à toutes les étapes de fabrication, c’est l’usage d’électricité par les machines. L’étude le souligne bien :
– “ La forte dépendance au charbon et au gaz naturel pour générer de l’électricité et de la chaleur (notamment en Asie) sont largement à l’origine des émissions. ” Page 21.
– ” Les différents modes de production d’électricité influencent directement les résultats environnementaux (dont climatiques) des processus textiles. ” Page 62.
Certes, il y a un peu de transport entre les étapes de fabrication. Cela va occasionner des émissions, mais c’est très peu significatif.
Le mix électrique des pays de production est donc un facteur clé.
Les mix trop carbonés (majorité de charbon, gaz, pétrole) vont entrainer des émissions de CO2. Inversement, si une majorité d’électricité bas-carbone est identifiée (nucléaire, hydroélectricité, éolien, solaire, biomasse, géothermie, etc.) alors, bonne nouvelle : les émissions CO2 associées à la fabrication du produit seront très faibles.
Mauvaise nouvelle : Les pays décarbonés (pour leur production d’électricitée) ET dans lesquels il y a des productions textiles ne sont pas nombreux… Nous verrons plus loin quels sont les autres leviers d’amélioration.
Voilà donc comment l’origine de électricité, sujet largement occulté dans l’industrie textile devient soudainement une des premières priorités pour réduire les émissions CO2 et développer des produits bas carbone !
Vous avez probablement dû être surpris en voyant les faibles pourcentages que représentent ces 2 étapes. Ce sont pourtant celles qui viennent directement à l’esprit car :
1. Les marques mettent très souvent l’accent sur les matières (biologiques, recyclées, etc.).
2. Le transport est un sujet « naturellement » contre-intuitif car on a tendance à forcément associer beaucoup d’émissions CO2 à un produit qui vient de loin…
Nous ne sommes pas en train de dire que ces étapes ne sont pas importantes. Elles le sont. Cependant, elles restent secondaires par rapport au sujet énergétique/électrique qui englobe 83% de l’impact.
Dur à dire. Il y a probablement eu une méconnaissance des impacts au sein de l’industrie, même si le retard est entrain d’être rattrapé.
À la place, voici les principales thématiques qui animent les professionnels du textile depuis tant d’années : Les matières, la durabilité/réparation, l’économie circulaire, le recyclage, les polybags, les produits chimiques nocifs et le transport. Ces sujets sont tous importants, ils ont tous bien avancé, les améliorations sont réelles, les marques en parlent, c’est normal.
Mais il y a de toute évidence 2 absents de taille, autant dans les projets d’amélioration que dans la communication: transition energetique et sobriété.
Même les marques françaises (qui ont l’avantage de bénéficier du mix-électrique français très décarboné) voire celles qui fabriquent au Portugal (mix assez décarboné également) n’en parlent presque pas !
D’un point de vue marketing, c’est sur que nous sommes pas sur le sujet le plus sexy… Aussi, il y a probablement une réticence des marques à parler des sujets sur lesquels elles ne sont pas exemplaires.
Enfin, le curseur carbone (changement climatique) n’est pas forcément le cheval de bataille de toutes les marques. Il peut y avoir d’autres engagements (biodiversité, relocalisation, économie circulaire, aspect social, etc.) qui entrainent d’autres débats et actions.
Comme nous en parlions en début d’article, si de l’électricité est produite, si les machines textiles tournent et que des émissions de CO2 sont causées, ce n’est pas pour rien. C’est bien qu’il y a une demande de (sur)production de la part des marques, qui pour la plupart encouragent à (sur)consommer.
Ci dessous, quelques statistiques incontournables :
Mais nous sommes plus nombreux sur Terre me direz vous ? Il faut donc habiller de plus en plus de personnes ? Et bien… nous étions 6 milliards d’humains en 2000, puis 7,3 milliards en 2015: +21%.
Pourquoi le volume de ventes de textile fait-il son petit +100% pendant que la population n’a augmenté “que” de +21% sur la même période ? Et ici nous n’aborderons même pas le sujet des inégalités…
Nous avons donc bien un problème de volume de production. Mais dans le même temps nous voyons de nombreuses améliorations, non ? Matières recyclées, packaging réutilisable, certifications, bornes de collecte, seconde main, machines modernes consommant moins d’énergie, etc.? C’est vrai, mais les améliorations citées ne disent rien de la consommation totale. De multiples effets rebonds sont toujours possibles. Quand on est plus efficace, en général, on produit plus. Par ici pour quelques exemples concrets.
Le climat, la biodiversité et les écosystèmes dégradés se foutent pas mal d’une réduction relative de l’impact par produit, par collection ou par euro de chiffre d’affaires. Ce qui est crucial, c’est de réduire en valeur absolue.
Or, la dynamique de l’industrie textile est à l’exact opposée. Les améliorations « à la marge » font légion et entretiennent le business as usual, avec notamment les plus mauvaises pratiques de la fast-fashion :
Si cette dynamique n’est pas enrayée, les émissions de l’industrie du textile augmenteront de 49% d’ici 2030 pour atteindre 5 milliards de TCO2e, soit l’équivalent des émissions annuelles des USA (Quantis, 2021.) Petit rappel : les émissions mondiales de gaz à effet de serre doivent diminuer de -43% d’ici 2030 pour maintenir la hausse de la température sous les +1.5°C.
Nous devons faire différemment. C’est ici qu’intervient la notion de sobriété : une modification de notre organisation en tant que société afin de réduire notre besoin énergétique. Ces transformations ont un potentiel de réduction de nos émissions globales de l’ordre de 40 à 70%. Source : IPCC, AR6 WGIII.
Encore une fois, « consommer moins d’énergie rend la décarbonation plus facile ». Cette petite phrase imparable est signée de l’anthropologue économique Jason Hickel, auteur de nombreux travaux sur la décroissance et les inégalités.
Enfin, les energies fossiles sont en quantité finie dans les sols. Pour le pétrole, à production constante et selon les réserves connues, il en resterait encore pour une cinquantaine d’années. Plus on en extrait, plus nous raterons nos objectifs climatiques. Plus on en est dépendant, plus son sevrage sera subi. Super ! Comme dirait l’expert du pétrole Mathieu Auzanneau : « l’abondance énergétique, c’était une crise d’adolescence, maintenant on peut s’effondrer ou passer à l’âge adulte ».
Pour résumer, il faut donc activer de manière conjointe le changement de notre modèle de société et la sortie des énergies fossiles car les deux vont de pair. Pour reprendre notre exemple de départ, les panneaux solaires pourront davantage satisfaire les besoins énergétiques de l’usine si cette dernière n’augmente pas son volume de production tous les ans.
Imaginons une usine textile à Taiwan installant des panneaux solaires sur son toit. Ces derniers seront utiles pour s’éloigner du charbon et gaz, et satisfairont une partie des besoins énergétiques de l’usine… à condition que l’usine en question n’augmente pas son volume de production tous les ans. Sobriété et transition énergetique sont toujours liés.
Mais une question se pose alors : qu’est-ce que fabrique cette usine ? Des vêtements à bas prix pour la fast-fashion ou des vêtements de travail pour les chantiers de rénovation thermique ? L’utilité sociale des vêtements fabriqués peut-elle alors justifier la hausse des volumes ? De manière plus globale, quels rôles ont les entreprises dans la transition ? Pour certaines, quelle est leur capacité à remplacer des alternatives plus polluantes, à s’impliquer pour changer les lois ? Aussi, on dit souvent que les entreprises doivent réduire leurs émissions, c’est vrai. Mais alors, comment considérer celles qui, en augmentant leurs émissions, réduisent largement celles des autres ? Par exemple, il serait dommage qu’une entreprise vendant des pompes à chaleur réduise ses émissions (donc son activité) alors que son rôle est majeur dans le remplacement des chaudières fioul.
Le problème avec le secteur du textile, c’est qu’il n’y a presque pas cet effet de remplacement. Pourquoi ? Car le vêtement le plus écologique est celui que l’on possède déjà. Cette phrase a beau être un peu cliché, elle est très vraie, et même déterminante pour envisager la suite de l’activité de cette industrie.
N’y allons pas par 4 chemins, la sobriété dans le textile consiste à produire moins et consommer moins, et cela doit être organisé, planifié, politisé. Dans ce cadre général, certaines entreprises seront très affectées et d’autres tireront leur épingle du jeu pour continuer à fabriquer et vendre des vêtements durables, de qualité et qui répondent à des besoins.
Il y a aussi une autre manière de voir les choses. Notre activité augmente mécaniquement le besoin énergétique de certains pays ce qui rend leur transition vers des énergies bas carbone plus complexe et couteuse. Nous avons donc une responsabilité directe. Investir financièrement, les aider et collaborer avec d’autres marques de l’industrie est un juste retour des choses et cela sera profitable pour tout le monde : les émissions sont locales, mais les impacts sur le climat sont mondiaux.
Avec plusieurs marques d’outdoor, nous collaborons pour accélérer la sortie du charbon, fioul et gaz de nos chaines d’approvisionnement. Ce travail s’effectue en 3 étapes:
Travail entamé en 2022. Financement des premières actions en 2023.
Une chose est certaine : sans collaboration avec des marques plus importantes que nous, il ne se passera pas grand-chose. Nous représentons trop peu de volume (et de business) avec les partenaires ciblés par rapport aux changements que nous aimerions impulser avec eux ! À date, nous sommes donc peu influents.
Aussi, une installation toiture-solaire est déjà en place chez notre filature/tricoteur Ucak, localisé en Turquie, s’occupant d’une large partie de notre collection streetwear. Les panneaux solaires permettent de satisfaire environ 35% du besoin en électricité et de “s’éloigner” du mix national Turque, plus carboné.
En collaboration avec BayWa R.e., un fournisseur d’énergie solaire, nous proposons à nos partenaires Vietnamiens (tier 1 – confection des vêtements) d’installer des panneaux solaires sur leur toit. Plus précisement, leur toit est loué au fournisseur, et les panneaux solaires sont raccordés au réseau local. L’énergie solaire permettra de satisfaire de 15% à 30% des besoin en electricité et de réduire les couts.
Il s’agit de relocaliser certaines productions vers des pays ou l’électricité est peu (voire très peu) carbonée. France, Portugal, Espagne, Vietnam (dans une moindre mesure), Amérique Latine, Amérique du Sud, certains pays d’Europe de l’Est sont des exemples où des productions textiles bas carbone existent. Par ici pour mieux comprendre pourquoi relocaliser en France n’est pas si simple dans notre cas, notamment parce que notre modèle de distribution (qui n’est pas complètement figé pour autant) rajoute un intermédiaire entre Picture et vous : le magasin.
À date, pour la majorité de notre production, nous n’avons pas réellement activé cette option de relocalisation qui aurait pour conséquence “d’abandonner” nos relations historiques (2009) avec la Turquie et Taïwan. Les volumes réalisés avec eux sont importants et les produits bien spécifiques. Bref, on l’avoue, ce sont des décisions qui sont loin d’être évidentes à prendre. Nous réfléchissons davantage à de la relocalisation énergétique pour d’autres produits et accessoires qui représentent moins de volume. C’est d’ailleurs ce que nous faisons déjà pour les chaussettes (Portugal) et les cache-cous (France/Italie).
Depuis début 2022, Picture est un membre actif d’ En Mode Climat. À travers ce collectif, nous faisons le constat que le secteur textile ne pourra réduire son impact sur le climat et la biodiversité que si la loi oblige toutes les entreprises à changer leurs pratiques. La progression des marques engagées ne freine absolument pas l’accélération de la fast-fashion, voire de l’ultra fast-fashion.
En Mode Climat existe donc pour renverser la table et utiliser le cadre réglementaire : forcer les marques à faire moins et mieux. Pénaliser les plus mauvaises pratiques et encourager les vertueuses. Nous ne pouvons pas espérer que chaque entreprise du secteur textile fasse sa transformation si les lois ne changent pas. Ainsi, avec les 600+ membres du collectif, nous utilisons notre pouvoir d’influence pour pousser des régulations qui obligeront tous les acteurs de notre secteur, nous y compris, à faire mieux.
Chez Picture, nous sommes notamment actifs pour le regroupement des nouveaux membres.
Par ici pour plus d’infos sur notre investissement avec En Mode Climat
Merci d’être arrivé au bout 🙂